Periodismo de Impacto

MicroDON fait de Mr Tout le monde un bienfaiteur

Grâce à l’arrondi de caisse et l’arrondi sur salaire, l’entreprise pionnière de la générosité embarquée en France a récolté un million d’euros en 2015, reversés au profit de 350 associations
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24.06.2016

Paris, France
Qui n’a jamais quelques pièces jaunes qui traînent dans une poche ou sur une cheminée ? Quand on n’est pas à quelques centimes près, on les donne facilement pour s’en débarrasser. De la même façon qu’à la caisse d’un magasin, il est plus simple de donner deux euros qu’1,99 euro.

Inès passe en caisse au supermarché Franprix de son quartier. La caissière lui demande si elle accepte l’arrondi. Elle acquiesce. Au lieu de 39,27 euros, sa facture sera arrondie à l’euro supérieur, soit 40 euros. De façon presque indolore, Inès vient de faire un don de 63 centimes à la Croix-Rouge Française ou au Secours Populaire Français, associations caritatives choisies par l’enseigne. Des affiches l’expliquent partout dans le magasin.

Ce mécanisme, baptisé l’arrondi en caisse, est assimilé à de la générosité embarquée. Son promoteur en France, Pierre-Emmanuel Grange, s’est inspiré de son expérience au Mexique, où il a passé six mois en mission pour General Electric, alors jeune ingénieur frais émoulu de Centrale Lyon.

« Je suis tombé amoureux de l’arrondi », raconte-t-il dans ses bureaux parisiens à la décoration très design, en relatant son premier contact avec ce mécanisme au Mexique. N’étant pas hispanophone, le jeune expatrié n’a pas compris la question de la caissière, à laquelle il s’est contenté de répondre « oui ».

Avant de trouver l’idée géniale. De retour en France, il suggère à plusieurs associations de la mettre en place. Toutes l’incitent toutes à lancer le projet lui-même. « Là, j’ai compris que ça allait être compliqué et prendre du temps, car il s’agissait de créer un nouveau marché ».

Le jeune entrepreneur intègre alors en 2008 l’incubateur de Jacques Attali, PlaNet Finance, et crée sa start-up avec Olivier Cueille un an plus tard. De cocktails en débats, les deux pionniers de la générosité embarquée prennent alors leur bâton de pèlerin pour évangéliser, expliquer, convaincre.

Foto: El Heraldo

Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Les 63 centimes donnés par Inès peuvent sembler une goutte d’eau. Pourtant, multipliés par tous les clients des partenaires de microDON, cela donne pas moins d’un million d’euros collectés en 2015, reversés à 350 associations. A cet égard, Pierre-Emmanuel Grange se dit convaincu, tout comme Pierre Rabhi, dans son livre La Part du colibri, que « les petits ruisseaux font les grandes rivières ».

La meilleure preuve ? Alors qu’un Français sur deux ne donne jamais au profit d’une association, les vingt-neuf boutiques Adidas de l’Hexagone ont récolté à elles seules 100 000 euros en cinq mois. Et ce grâce à un nouveau système : l’automatisation de l’opération en caisse avec Ingenico, le leader mondial des solutions de paiement. Il suffit au client de taper oui ou non sur le terminal de carte bancaire pour que l’arrondi soit automatiquement appliqué. Et là, comme par magie, le taux de participation monte à 30%...

Parti sur sa lancée, microDON s’est diversifié avec l’arrondi sur salaire, pratiqué depuis trente ans en Grande-Bretagne. Et de convaincre une quarantaine de grandes sociétés, représentant cent mille salariés, de l’adopter, de Henkel à PepsiCo, en passant par la Maif et la Française des Jeux. Le mécanisme est le même, à deux différences près : le salarié peut opter pour l’association de son choix et l’entreprise peut doubler la mise.

C’est surtout un bon moyen pour une entreprise de sensibiliser ses équipes à ses valeurs. Désormais, assure Pierre-Emmanuel Grange, « un directeur des ressources humaines sur deux en a déjà entendu parler ». L’arrondi en ligne (avec Alloresto.fr) et l’arrondi sur relevés bancaires (avec BNP Paribas) sont venus compléter la palette de dispositifs de microDON.

Et comme l’entreprise sociale et solidaire reverse l’intégralité des dons aux associations, par l’intermédiaire d’un fonds de redistribution baptisé « Le réflexe solidaire », elle vit des conseils juridiques, fiscaux, comptables et en communication prodigués aux entreprises partenaires. De quoi lui permettre d’engranger plus de 600 000 euros de chiffre d’affaires, mais pas encore d’atteindre l’équilibre.

Ses valeurs, microDON se les applique à elle-même : encadrement des salaires, des dividendes, des plus-values, gouvernance participative. « De toute façon, tous nos actionnaires sont des fonds solidaires (Solid, France Active et Equisol) : s’ils s’enrichissent, tant mieux, ce sera réinvesti dans des associations. Car nous avons choisi nos actionnaires », rappelle le fondateur de microDON.

La jeune pousse, qui jouit d’un taux de notoriété assistée de 30% en France, a déjà reçu de nombreuses distinctions, comme le prix Essec de la Distribution responsable avec Franprix. Et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous allons bien être obligés d’aller à l’international pour mettre dans la boucle les boutiques et filiales étrangères de nos partenaires ». Une nouvelle aventure.