Periodismo de Impacto

Quand les invendus alimentaires deviennent un rêve

Une camionnette prêtée par la Ville de Bruxelles permet d’assurer les livraisons des commandes auprès des associations
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24.06.2016

Bruxelles, Belgique
Il est 6h45. Le marché matinal de Bruxelles situé le long du canal, se termine tout doucement. Il faut dire que durant toute la nuit, les grossistes et certains restaurateurs se sont pressés dans les allées pour dénicher les meilleurs produits alimentaires au meilleur prix.

Mais évidemment, tout n’a pas trouvé preneur et beaucoup de fruits et de légumes restent dans leur cagette.

Alors que faire de ces invendus peut-être un peu moins beaux mais pourtant tout à fait comestibles?

Philippe Desemberg en a une petite idée. Depuis mi-septembre 2015, il arpente tous les matins les stands à la recherche de produits alimentaires restés sur le carreau. Ensuite, il les redistribue aux associations bruxelloises proposant des repas aux personnes dans la précarité.

Le tout est né d’un partenariat entre le CPAS de la Ville de Bruxelles et l’asbl Mabru en charge du marché matinale de la capitale de la Belgique. Ensemble, ils lancent DREAM (Distribution et récupération d’excédents alimentaires).

A Bruxelles, il n’existe pas encore d’obligation de redistribution des invendus alimentaires. Certains supermarchés ou restaurateurs le font spontanément mais l’organisation reste souvent bancale. Avec Dream, cette récolte devient systématique.

Et cette aide est la bienvenue puisqu’une étude du SPP Intégration sociale datant de 2012 indique que l’aide alimentaire est un levier indispensable en Belgique dans la lutte contre la pauvreté. De plus, le nombre de Bruxellois vivant sous le seuil de pauvreté ne fait que croître. Un tiers des habitants de la capitale vit avec un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté et peu habitent dans un logement social.

La part du loyer étant élevée, ces personnes dans la précarité rognent souvent sur leur budget alloué à l’alimentation. Les produits frais comme les légumes et les fruits sont donc absents de leur repas ce qui entraîne inévitablement des ennuis de santé sur le long terme. Plus de 55.000 personnes feraient donc appel à l’aide alimentaire en Région bruxelloise.

Depuis 2003, une collaboration existait déjà entre Mabru, le CPAS et les Restos du cœur. Chaque semaine, 500 kilos de fruits et légumes étaient ainsi utilisés. En décembre 2013, une étude de faisabilité de mise en place d’un système de collecte, tri et redistribution des invendus de Mabru vers le secteur de l’aide alimentaire est réalisée et permet la mise sur pied de Dream.

« Le projet permet de récupérer, conditionner et stocker les invendus alimentaires sec et frais, de mettre des travailleurs en réinsertion professionnelle sur le marché de l’emploi, de lutter contre le gaspillage alimentaire et aussi de lutter contre l’augmentation de la quantité de déchets, explique Pascale Peraita, présidente du CPAS de la Ville de Bruxelles. Aucune loi n’oblige les magasins à recycler ou donner les invendus. Il faut absolument faire adopter une loi contraignante.»

En attendant, une tonne est récupérée tous les jours auprès des 25 grossistes participants. «Je préfère leur donner à eux, au moins on sait où les produits vont», explique Franck Valckenier, emmitouflé dans son gros manteau.

Ce vendeur de pommes et de poires raconte comment auparavant, certaines associations venaient directement demander leurs invendus aux marchands. La peur d’une revente par la suite les poussait à refuser. «Dream est venu mettre de l’ordre. Les associations se tournent directement vers eux plutôt que de se déplacer au marché», lance Michel Barnstijn, président de Mabru.

«Je me connecte le matin, je vois ce qu’ils ont en stock, je commande et avant midi, tout est là, explique Mourate Racaoglu, responsable du centre de jour de l’association L’Ilot, à Saint-Gilles, qui aide des sans-abri. Les denrées données sont parfaites pour faire des repas équilibrés.» C’est que l’association utilise les fruits et légumes pour préparer des plats chauds pour les bénéficiaires.

Foto: El Heraldo

Près de 25 associations se sont inscrites à la Bourse aux dons, la plateforme informatique créée par la Fédération des Services Sociaux (FDSS), l’ASBL Komosie et Level IT pour faciliter les contacts et les transferts entre donateurs et receveurs de dons alimentaires.

Aujourd’hui, Dream a également fourni un emploi à 4 personnes. Une camionnette prêtée par la Ville de Bruxelles permet d’assurer les livraisons des commandes auprès des associations. Bruxelles Environnement a aussi accordé 25.000 euros pour l’engagement d’une personne dans le cadre du programme Agenda 21.

Dans le cadre de l’Alliance Emploi Environnement, la Région bruxelloise a octroyé 15.000 euros pour l’installation de chambres froides ainsi que la mise en conformité de l’emplacement à Mabru. En plus de ces aides ponctuelles, le CPAS a prévu 150.000 euros annuels jusqu’en 2018.

« La marge de progression est encore grande pour Dream, précise Pascale Peraita. On peut espérer augmenter la quantité de fruits et légumes en envisageant d’étendre notre collaboration avec le Centre européens de fruits et légumes. Le potentiel pourrait être de 8.000 tonnes par an.

Il sera alors possible d’augmenter le nombre d’associations bénéficiaires. » Dream pourrait aussi s’étendre à la viande dans les années à venir ainsi qu’à d’autres fournisseurs comme certaines chaînes de restauration.